Parfois communément appelée « la ferme Paque », la Ferme à l'Arbre de Liège est une référence dans le paysage bio depuis plus de 40 ans. Un savoir-faire reconnu officiellement à l’échelle européenne, puisque les Paque viennent de remporter le prix du meilleur magasin bio d’Europe !
Mais la ferme ne fait pas pour autant exception au règles du label Nature & Progrès et nous l’avons donc visitée dans le cadre du système participatif de garantie. L’occasion de vous en dire un peu plus sur son histoire mais aussi sur les pratiques actuelles.
L’agriculture dans le sang, le bio dans le cœur
Henri et Michelle sont tous deux enfants d’agriculteurs. Alors qu’un des frères cadets d’Henri reprend la ferme familiale, Henri s’oriente vers un métier d’employé à l’Etat. Mais la fibre agricole est forte en lui. A la lecture du livre de Claude Aubert « L’agriculture biologique, pourquoi et comment la pratiquer », en 1974, Henri entame sa réflexion sur la manière de produire notre alimentation et cherche à se renseigner. Il nous confiait lors d’une interview en 2018 : « J’ai toujours aidé mon père à la ferme et j’étais persuadé de l’agriculture moderne, nous proposant des produits remplaçant les travaux manuels et garantissant des rendements faramineux. C’était une révolution agricole ! Puis, avec mon frère Joseph, on s’est questionnés sur le Temik. C’est un granulé, un poison violent, qu’on mettait dans la ligne de semis des betteraves pour limiter les attaques d’insectes. On s’est rendu compte qu’un oiseau ou un rongeur qui mangeait un granule, ou même une jeune plantule, mourrait rapidement. Je me suis dit que quelque chose clochait dans notre manière de produire de l’alimentation au détriment de la nature ».
C’est ainsi qu’il se rapproche des premiers membres Nature et Progrès en Belgique et assiste à un séminaire d’une semaine de M. Aubert, organisé par Vincent Gobbe (fondateur de N&P Belgique et président d’honneur). Les principes prodigués par M. Aubert lui trottent dans la tête, avec une envie folle de les mettre en pratique. Son père accepte de lui mettre à disposition 1 ha de terre, sur lequel Henri développera la production de légumes, vendus sur un étal devant la ferme. L’idée vient alors d’installer un magasin en ville, afin de toucher la population citadine. « On s’est dit, on va aller là où les gens font leurs courses. » raconte Henri. « En 1978, on a donc loué un magasin à Ans dans une rue commerçante. Quelle idée… On avait beaucoup de concurrence et finalement on s’est marginalisés par rapport aux autres commerçants. En revenant à la vente à la ferme on s’est distingués du reste du circuit conventionnel. 40 ans après, on a toujours des clients qui nous ont découvert à Ans. D’autres qui ne seraient jamais venus jusque Ans mais qui trouvent leur compte dans le côté circuit-court ». Le magasin 100 % bio est finalement installé sur place, dès 1978.
Les hectares de maraîchages se sont petits à petits étendus sur la ferme de la famille de Michelle. Fin des années 80, le couple reprend la moitié de cette ferme avec ses blancs-bleus : la Ferme à l’Arbre de Liège prend racine. Après avoir assisté aux césariennes des vaches, Michelle déclare ne plus vouloir de ça chez elle et le troupeau est remplacé par des Blondes d’Aquitaine, plus rustiques. La viande était alors découpée et vendue sur la ferme par un boucher indépendant. Michel, le fils, amateur d’élevage de volaille, développe l’atelier poulets de chair en 1995. À la suite de la disparition de l’abattoir Bolly à Verlaine et l’entrée en vigueur des règles AFSCA, plus strictes, il devient compliqué de continuer d’élever des poulets en autonomie. Michel passe alors en 2001 aux poules pondeuses. La ferme en compte maintenant 650, de quoi alimenter le magasin à la ferme en quasi-autonomie.
L’élevage de cochon a toujours été présent dans les fermes familiales d’Henri et de Michelle. Auparavant, ils étaient abattus et découpés sur place. Maintenant, les 180 à 200 cochons produits chaque année sont abattus via PQA, les carcasses revenant à la boucherie de la ferme.
En 2003, le magasin est déplacé, agrandit et agrémenté d’une boucherie. En 2014, il déménage de nouveau à son emplacement actuel, pour laisser place au restaurant bio. « Nous voulions faire un pas de plus vers le consommateur », nous dit Michel. « Aller au-delà de son caddie : de la terre à l’assiette ».
Entre tradition et progrès
On l’aura compris, pour les Paque, l’agriculture biologique est bien plus qu’un cahier des charges de production. Henri nous précise : « Le bio ça se définit très succinctement : le respect de l’équilibre de la vie ! Une fois que tu as ces trois termes là, tout est dit. Le gars qui fait son métier consciencieusement, même si ce n’est pas en bio, je le respecte. Mais c’est vrai que les gens qui sont sensibilisés au bio ont une approche plus globale. Le bio soulève des questions au-delà de la culture de la terre ».
40 ans après les débuts en bio, la Ferme à l’Arbre de Liège s’est bien développée en essayant de garder le cap de ses valeurs. Ce qui en fait aujourd’hui une ferme moderne, bien ancrée dans son terroir. Pour N&P, c’est certain que le choix du modèle polyculture-élevage y est pour quelque chose. En plus de permettre une grande autonomie de vente, grâce à la diversité de production (légumes, viande de bovin et de cochon, œufs, …), l’interconnexion des différents ateliers de production garantit une économie circulaire à l’échelle de la ferme. L’amendement des cultures et du maraîchage est assuré par le fumier de la ferme, composé d’un mélange des fumiers des différents animaux, plus ou moins composté selon les années.
L’autonomie alimentaire est atteinte pour les bovins qui sont principalement nourris à l’herbe dans les pâturages et au foin en étable en hiver. Préfané et épeautre autoproduits viennent compléter la ration. En finition, du concentré acheté à la SCAR est apporté. Un mélange orge-avoine est cultivé sur la ferme pour les cochons, qui reçoivent en complément un aliment acheté à la SCAR. Pour les poules, l’alimentation est entièrement achetée, la quantité requise de maïs étant beaucoup trop importante pour permettre à la ferme d’être en autonomie. Au niveau du maraîchage, quelques plants sont produits à partir des semences de chez Agrosemens, Voltz, Vitalis, Bingenheimer et Semailles. Le reste est acheté chez De Koster et au Grand Potager (Haltinne).
L’ensemble de la production est vendu au magasin de la ferme, dont les étalages sont complétés par des producteurs bio locaux en priorité, mais aussi de l’étranger via plusieurs distributeurs. « Notre étal de légume reflète la saison, c’est ce qui est mis en avant. Mais le hors saison est accepté. Par contre, on s’interdit les « abus » comme les fraises en hiver ou les chicons en été » témoigne Michel. Dans leur quête de diversification (et aussi de soutien à leur terroir), les Paque produisent maintenant du houblon bio pour la Brasserie Coopérative Liégeoise (dont Michel est administrateur), des céréales panifiables bio pour Pierre Baré (Balâtre) et de la moutarde bio.
Pour faire tourner cet ambitieux projet, les Paque peuvent compter sur une équipe bien fournie. Qui a dit que l’agriculture n’était pas pourvoyeuse d’emplois ? La ferme occupe 4 à 5 équivalents temps plein (ETP), le restaurant 4 ETP et une trentaine pour le magasin et la boucherie. De nombreux stagiaires et étudiants font également régulièrement leurs armes à la Ferme à l’Arbre de Liège !
Accueillir la biodiversité, respecter les animaux élevés
Malgré la proximité avec la prison de Lantin et l’environnement urbain dans lequel est installée la ferme, elle bénéficie d’un paysage très verdoyant. Des haies sur plusieurs rangées bordent certaines parcelles et les prairies sont enrichies d’arbres fruitiers, dont certains sont centenaires. On peut observer çà et là, au niveau des tournières notamment, quelques arbustes sauvages laissés en développement. La ferme compte 6,5 ha de prairies permanentes et 13,5 ha en rotation de type : 3 ans de prairies, détruite à la rotative puis labourée avant d’y installer une culture de froment, suivie d’un épeautre ou d’un mélange orge-avoine-pois, puis de maïs ou moutarde ou pomme de terre et parfois même des légumes avant le retour à la prairie.
Cet environnement profite aux animaux qui bénéficient des pâturages. Ce n’est pas le cas des cochons, installés à l’étable avec un parcours extérieur sur paillot (de paille bio !) à front ouvert, qui peut être fermé en hiver. Les bovins eux sont en pâtures dès que possible et les mises bas y ont parfois lieu. Ils en partagent même certaines avec les poules pondeuses, qui ont un accès constant à l’extérieur, même en période de confinement (grippe aviaire par exemple) grâce à la volière.
Les Blondes ne sont pas écornées. Les veaux sont élevés au pis jusqu’à 4 à 6 mois. Les femelles sont conservées pour renouveler le troupeau et réformées vers 2 ans. Les veaux mâles sont engraissés en taurillons (non castrés) jusqu’à 18-20 mois avant d’être envoyés à l’abattoir d’Aubel. Les carcasses sont récupérées et découpées à la boucherie de la ferme.
Henri et Michel Paque, fervents défenseurs des valeurs N&P
Le lien d’Henri avec l’agriculture biologique s’est fait via Nature et Progrès dans les années 70. « Il n’y avait que ça à l’époque et cela permettait de se retrouver dans une communauté qui œuvrait dans la même direction ». Il a fait partie de ceux qui se sont battus pour un label bio officiel, au côté des militants N&P de la première heure. « On voulait se distinguer de ceux qui se revendiquait bio sans référence à une mention quelconque. Quand il y a eu la réglementation officielle au début des années 90, ça n’a rien changé à notre manière de travailler. Quand on comprend la philosophie, l’esprit du BIO, on n’a pas besoin de la réglementation. Elle est là pour mettre des balises et écarter ceux qui travaillent mal. »
Le lien avec l’association n’a jamais été remis en question et il perdure encore aujourd’hui avec Michel.
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