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  • Photo du rédacteurMathilde Natpro

LE LABEL BIO EUROPÉEN : UN OUTIL DE BASE INDISPENSABLE

Depuis sa première publication en 1991, la règlementation bio européenne a fait l’œuvre de plusieurs révisions. La dernière en date est d’application depuis le 1er janvier 2022 et des règlements nationaux sont toujours en cours d’élaboration pour en réguler l’application dans chaque Etat Membre. On entend d’ailleurs souvent que « le bio d’ici et le bio de là-bas ce n’est pas la même chose ». Remettons la ferme au milieu du village européen…

Par Mathilde Roda (article rédigé dans le cadre du dossier Agriculture biologique : un label et bien plus encore, publié dans la Revue Valériane n°160 de mars-avril 2023).



Une règlementation transversale

La législation bio européenne repose sur le Règlement (UE) 2018/848. C’est le document de référence qui définit les grandes lignes et principes de l’agriculture biologique. Il est accompagné d’actes d’exécution qui précisent certains articles et d’actes délégués qui en précisent ou modifient le contenu non essentiel (1). Ces règlements ont un portée légale identique dans tous les pays de l’Union Européenne. Nul gouvernement ne peut faire l’impasse sur ce qui y est explicitement noté. Un agriculteur bio d’Espagne devra donc respecter les mêmes règles qu’un Wallon ou un Polonais.


Ce qui peut varier est de deux natures. Soit il s’agit de points laissés volontairement à l’appréciation des gouvernements nationaux par la Commission Européenne. Cela concerne la gestion administrative ou des champs d’application non encore couverts par la règlementation européenne, comme la restauration collective ou l’élevage d’escargots. Soit il s’agit d’une liberté donnée aux Etats membres d’interpréter les termes qui ne sont pas explicitement définis. Par exemples, l’âge en dessous duquel on considère un « jeune bovin », ce qu’on entend par « principalement couvert de végétation », le pourcentage à partir duquel « principalement » est atteint, etc. Il peut y avoir des divergences sur ces points, mais elles resteront toujours limitées par le respect de la règlementation générale.


Comment ça se passe en Wallonie ?
En Wallonie, c’est un Arrêté du Gouvernement Wallon qui régit l’application des règlements européens. Il est complété par un Guide de Lecture, plus pragmatique, permettant aux acteurs de terrains de clarifier les règles, afin d’homogénéiser l’application de la législation bio sur le territoire wallon. Lors de l’élaboration de ces documents, le secteur agricole wallon a été consulté. Nature & Progrès a participé à ce d’un long processus de négociation.
L’agriculture étant une matière régionalisée, la Flandres possède son propre Arrêté et des différences d’interprétation subsistent entre les deux régions. Si cela parait aberrant, il faut se rendre compte que les réalités agricoles flamandes et wallonnes sont différentes. La communication interrégionale est cependant active et ces différences sont vouées à être lissées. En espérant que la volonté d’autonomie et de valorisation du terroir de la Wallonie inspirera au Nord du pays. Cela risque de devenir incontournable, au vu du contexte agricole et de son évolution…

Des règles claires applicables à tous

Socle de base, la législation bio européenne offre un cadre réglementaire cohérent qui marque les différences avec les agricultures conventionnelles. Cadre qui est contrôlé strictement. Elle ne se substitue pas aux règlementations agricoles et alimentaires générales mais vient en complément. Le règlement de base « énonce les règles régissant la production biologique, la certification correspondante et l’utilisation, dans l’étiquetage et la publicité, d’indications faisant référence à la production biologique, ainsi que les règles applicables aux contrôles » (2). L’appellation « bio » concernant l’agriculture et l’alimentation est réservée à ce qui entre dans le cadre de ce règlement. Les cosmétiques et produits d’entretien ne sont donc pas couverts, les labels faisaient référence à l’appellation « bio » dans ces cadres-là ont leurs propres cahiers des charges (par exemple, Cosmebio). L’appellation « bio » peut alors ne pas avoir exactement la même signification.


Plus concrètement, le champs d’application du R2018/848 prévoit de couvrir : les produits agricoles vivants (cultures, animaux, semences et autres matériels de reproduction des végétaux), les produits agricoles transformés à destination de l’alimentation humaine, l’alimentation pour animaux, ainsi que, et c’est une nouveauté, une douzaine de produits considérés comme liés à la production agricole : huiles essentielles, laine, coton, levures, cire d’abeille, sel…


La culture en bio

Le label bio européen cadre la production végétale concernant le recours à des intrants et des semences bio, mais aussi par des listes restrictives de produits autorisés pour la gestion des maladies et ravageurs. Le règlement en vigueur depuis 2022 apporte des éléments nouveaux, en ouvrant la porte au recours à des semences plus « hétérogènes » afin de favoriser la sélection paysanne de semences bio. Mais aussi une volonté d’aller vers plus de 100% bio en limitant les possibilités de dérogations. En effet, vu le manque d’accès à des matières bio - semences, fumier, paille,… - dans certains pays, dont le nôtre, la Commission permet de déroger à la règle dans un certain cadre. Ce nouveau règlement cherche donc à limiter cela afin de pousser au développement du secteur bio pour qu’il s’autonomise. Enfin, comme un retour aux fondamentaux, le R2018/848 prévoit que la rotation en cultures annuelles inclut obligatoirement des légumineuses et autres engrais verts.



Un point d’attention dans l’évolution de la règlementation est la multiplication des tentatives d’introduction de nouvelles substances/nouveaux produits dans la liste des intrants utilisables en agriculture biologique. Le secteur se montre généralement défavorable aux demandes concernant des produits issus de la chimie de synthèse ou des co-produits de l’industrie, et favorable aux substances naturelles qui permettent des alternatives aux produits autorisés controversés, comme le cuivre en pommes de terre ou les insecticides pyréthrinoïde en maraîchage. Un cap à absolument conserver !


L’élevage en bio

En bio, on ne pense pas qu’à la mise à mort correcte de l’animal, mais aussi à sa mise en vie ! La règlementation européenne, qui revendique l’agriculture biologique comme « l’application de normes élevées en matière de bien-être animal », définit la taille et l’aménagement des bâtiments d’élevage, du parcours extérieur, l’alimentation des animaux - bio, sans OGM - et les méthodes de gestion des maladies. Le bio base le soin aux animaux sur des pratiques préventives naturelles, les traitements médicamenteux font parfois l’objet d’une dérogation sur prescription vétérinaire. Elle rappelle également que les animaux doivent être en lien avec le sol et qu’ils doivent pouvoir satisfaire à leurs besoins naturels. Concrètement, une vache ou un mouton doivent brouter, un porc doit pouvoir fouiller le sol avec son groin et une volaille gratter la terre. Certains de ces principes ne sont pas traduits en articles contraignants dans le texte de loi et ne sont donc pas toujours strictement appliqués sur le terrain.



Parmi les nouveautés, on notera la volonté de favoriser l’autonomie alimentaire des éleveurs en augmentant la proportion d’aliments pour animaux provenant de l’exploitation elle-même ou, si cela n’est pas possible produits en coopération régionale. Encore faut-il voir comment chaque Etat définit « régionale ». La Wallonie et la Flandres n’ont déjà pas la même approche, la première considérant la Belgique et les régions limitrophes alors que la deuxième l’Europe dans son entièreté.


La Commission a réaffirmé le besoin de tous les animaux d’accès à un espace de prairie et non pas seulement une cours extérieure, même si la formulation n’est pas contraignante en ce qui concerne les porcs. En volailles, les densités restent très faibles par rapports aux élevages conventionnels - 2 fois moins élevées qu’en élevage standard intensif - et des règles sont ajoutées en bâtiment : plus de perchoir, plus grandes et meilleur accès aux trappes menant à l’extérieur. Une évolution décevante est la possibilité d’élevage de taille industrielle puisque la limitation, à 3.000 poules pondeuses ou 4.800 poulets de chair, se fait maintenant par « compartiment » et non plus par « bâtiment ». Heureusement, il est demandé d’aménager les espaces extérieurs avec une grande variété de végétaux, arbres et arbustes répartis sur toute la superficie pour permettre une utilisation équilibrée de tout l’espace à disposition par les volailles.


Notons que des règles sont maintenant définies pour les élevages de lapins et cervidés, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.


La transformation en bio

Les principes spécifiques à la transformation biologique ne peuvent être mieux résumés que par le règlement lui-même, qui stipule que la production de denrées alimentaires biologiques transformées repose sur les quelques principes suivants : produire à partir d’ingrédients agricoles biologiques; restreindre l’utilisation des additifs alimentaires et d’auxiliaires technologiques ; exclure les substances et méthodes de transformation susceptibles d’induire en erreur le consommateur quant à la véritable nature du produit; recourir à des méthodes biologiques, mécaniques et physiques de transformation; exclure les nanomatériaux manufacturés.



Un produit transformé pourra être étiqueté comme « biologique » à condition qu’au moins 95 %, en poids, des ingrédients agricoles du produit soient biologiques. Les 5% d’ingrédients agricoles restants concernent une liste de 5 cas particuliers non disponibles en bio : algues, poisson sauvage, boyaux, gélatine…Seuls 56 additifs alimentaires et 42 auxiliaires technologiques sont actuellement autorisés, ils ont été jugés nécessaires à la production, la conservation ou la qualité organoleptique des produits transformés. Les colorants ne sont pas autorisés sauf en estampillage ou décoration des œufs de Pâques.


Un socle déjà bien solide…

Si la législation bio européenne ne va pas assez loin dans ses exigences pour certains, et trop loin pour d’autres, on peut lui reconnaître le mérite de poser les bases d’une reflexion sur les méthodes de production de notre alimentation. Au-delà du respect des règles, les producteurs et transformateurs bio, les vrais, sont poussés à mettre en place une batterie de pratiques leur permettant de respecter au mieux le cadre et garantissant ainsi au consommateur que son alimentation est au plus proche de ses exigences sociétales et nutritionnelles.


REFERENCES

(1)    Certisys, Nouvelle règlementation bio 2022. En ligne : www.certisys.eu/nouvelle-reglementation-bio-2022/

(2)    R2018/848 consultable en ligne via une recherche sur https://eur-lex.europa.eu Nous vous invitons fortement à lire les articles 4 et 5 qui rappellent les objectifs et principes généraux de l’agriculture biologique.

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